Navigation – Plan du site

AccueilNuméros352DossierQuels enjeux de soutenabilité pou...

Dossier

Quels enjeux de soutenabilité pour l’agriculture indienne ?

Which Sustainability for the Indian Agriculture?
Katia Radja, Patrick Schembri et Damien Bazin
p. 23-39

Résumés

La mise en œuvre de la révolution verte en Inde s’est traduite par une utilisation excessive de pesticides et d’engrais, conduisant à des formes de vulnérabilités des milieux naturels, sociaux et économiques. Au début des années 1990, les limites posées par le modèle de la révolution verte ont conduit à la définition de formes revisitées de l’agriculture jugées plus soutenables pour la sécurité alimentaire et la préservation de l’environnement. L’article vise à examiner les enjeux de soutenabilité associés à l’agriculture en Inde. Dans un premier temps, l’objectif est d’apporter un éclairage analytique de la notion de soutenabilité du point de vue conceptuel et méthodologique. Dans un deuxième temps, il s’agit d’examiner les implications de cette discussion théorique pour l’agriculture au travers de l’expérience indienne.

Haut de page

Texte intégral

Les auteurs remercient vivement les rapporteurs anonymes de la revue pour leurs commentaires qui ont contribué à l’amélioration de l’article.

1Depuis les années 1990, dans un contexte de post-révolution verte, le concept de « soutenabilité » a gagné en importance dans le débat à l’échelle internationale autour des stratégies et des modèles pour une agriculture soutenable. Cette notion polysémique associée à l’agriculture renvoie à des enjeux et à des réalités multiples tant du point de vue scientifique qu’institutionnel. Sur le plan scientifique, les années 1990 ont été le théâtre d’évolutions dans la définition d’une agriculture renouvelée, à la fois intensive et non polluante, s’inscrivant de manière plus générale dans le cadre de la révolution doublement verte (Conway, 1996). Ainsi, différents modèles agricoles, associés à des contextes et des enjeux spécifiques ont émergé. Au niveau international, le modèle d’éco-agriculture a été mis en avant (Mc Neely et Scherr, 2003) ; en France, les programmes ont mis l’accent sur les concepts d’agriculture raisonnée (Paillotin, 2000) et d’agroécologie (Griffon, 1996). En Inde, on retrouve celui d’evergreen revolution défendu par Swaminathan (1999). Au niveau institutionnel, les orientations et les recommandations pour une agriculture soutenable adoptées respectivement par la FAO et l’UE mettent en lumière les différences entre pays industrialisés et pays en développement en matière de stratégies et d’enjeux associés à ces modèles. Binder et al. (2010) soulignent que la FAO privilégierait la sécurité alimentaire associée aux Objectifs du millénaire alors que l’Union européenne mettrait en avant les enjeux de commerce international et de compétitivité du secteur agricole ainsi que les préoccupations associées à la santé des consommateurs. D’autres questions telles que le changement climatique, la santé (sécurité, nutrition) ont fait évoluer les réflexions autour de la soutenabilité de l’agriculture.

2L’article vise à examiner les enjeux de soutenabilité associés à l’agriculture en Inde. Dans un premier temps, l’objectif est d’apporter un éclairage analytique de la notion de soutenabilité du point de vue conceptuel et méthodologique. Dans un second temps, il s’agit d’examiner les implications de cette discussion théorique dans l’agriculture en tant que facteur de développement soutenable au travers de l’expérience indienne.

Cadre d’analyse de la soutenabilité

3La plupart des interprétations économiques de la soutenabilité prennent pour point de départ le développement soutenable tel qu’il a été défini dans le rapport Brundtland. Ce dernier est présenté comme un « type de développement qui permet de satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs » (Cmed, 1987). En économie, cette définition très générale est interprétée par certains auteurs comme une mesure du bien-être non décroissante dans le futur (Arrow et al., 2003). Elle peut être également approchée par la notion de qualité de vie définie ici en rapport avec les besoins humains à satisfaire et le bien-être perçu aux niveaux individuels et collectifs (Costanza et al., 2013).

  • 1  La réflexion autour des notions de richesse et de soutenabilité fait écho aux travaux récents réal (...)

4Ces diverses déclinaisons de la soutenabilité ont en commun la notion d’opportunité, laquelle est souvent associée à celles de richesse et de bien capital ou d’actif. L’opportunité exprime ici la capacité de couvrir les besoins humains et de maintenir ou d’améliorer le bien-être au cours du temps. Cette capacité repose sur un ensemble de « moyens », une dotation souvent assimilée à la notion de richesse (Dasgupta et Mäler, 2000 ; Hamilton et Clemens, 1999). L’interprétation économique de la richesse prend ici source dans les travaux d’I. Fisher (1906), lequel définit cette dernière à l’image d’un stock de biens économiques dont l’usage permet d’obtenir un revenu. Ces biens, de statut particulier, sont appelés biens capitaux ou actifs. Adaptée au contexte de la soutenabilité, la notion de capital doit revêtir une acception plus large, intégrant les dimensions naturelles, humaines et sociales. Quant à la richesse, entendue cette fois de manière « inclusive », elle détermine l’ensemble des opportunités dans une perspective intergénérationnelle. Il s’agit alors de décider comment utiliser ces actifs aujourd’hui de manière à améliorer ou au moins maintenir le bien-être de la génération courante, sans compromettre pour autant les opportunités de bien-être des générations futures1.

5Les principales catégories d’actifs ou de biens capitaux jugées essentielles sont au nombre de quatre : le capital physique, humain, naturel et social. Le capital physique recense les machines et autres équipements, les bâtiments et les infrastructures ; c’est-à-dire l’ensemble des artefacts qui ont une vocation productive, contribuant à couvrir les besoins essentiels. Le capital humain est défini en étroite relation avec la population, l’individu et certains de leurs attributs, à l’image de la santé, du savoir, des compétences et des capacités. En d’autres termes, le capital humain regroupe les principales qualités requises pour maintenir ou augmenter la productivité du travail dans le processus de production (Costanza et al., 2013). Le capital naturel témoigne à la fois de l’état des stocks de ressources naturelles et de pollutions, et de la qualité des fonctions diverses qui président à la fourniture des biens et des services écosystémiques. Le capital social se décline aussi bien au niveau d’une collectivité qu’à celui de l’individu. Il a trait à l’état des relations sociales, aux normes et règles qui incitent à la coopération, à l’inclusion sociale et à la participation aux actions collectives.

1. Les approches de la soutenabilité fondées sur l’objet

6Même si la littérature récente souligne que le modèle de croissance économique actuel conduit à une accumulation rapide du capital physique au détriment d’une dégradation du capital naturel (Lopez et Toman, 2006), les économistes s’opposent quant au caractère non soutenable de ce modèle. Ces derniers sont divisés quant à la place que prend le capital naturel dans le développement soutenable. Ces désaccords renvoient généralement aux déclinaisons dites faible et forte de la soutenabilité (Pearce et Barbier, 2000).

  • 2  Les économistes de l’environnement résument ce critère sous l’expression d’une règle de décision, (...)

7Selon le courant dit de la soutenabilité faible, il n’y a pas de différence notable entre le capital naturel et les autres biens capitaux (Solow, 1986, 1999). Ce qui compte, c’est la valeur globale du portefeuille d’actifs dont on dispose. Le critère privilégié est alors celui de l’efficacité issue de la conversion du capital naturel en d’autres formes d’actifs tels que le capital physique et le capital humain. Dans ce registre, le fait d’exploiter aujourd’hui une ressource naturelle non renouvelable n’est pas incompatible avec le développement soutenable dès lors que les revenus actuels tirés de cette exploitation sont réinvestis dans l’usage d’une ou plusieurs ressources qui se substitueront, le moment venu, à la précédente2. Pareille interprétation de la soutenabilité repose sur une approche fondiste du capital naturel qui autorise la comparaison et la substituabilité dans le champ des biens économiques (Arrow et al., 2012 ; UNU-IHDP et UNEP, 2012). Elle suppose le caractère réversible des dégradations environnementales.

8À l’inverse, le courant dit de la soutenabilité forte repose sur l’idée que le capital physique, le capital humain et le capital social ne peuvent pas remplacer le capital naturel (Daly, 1992 ; Costanza et al., 2013). Les notions d’effet de seuil et de criticité sont introduites pour souligner que les dégradations environnementales peuvent engendrer des pertes irréversibles en termes d’opportunités de croissance et de bien-être pour les générations futures. Cette seconde interprétation de la soutenabilité repose sur une approche matérialiste du capital naturel et interroge la criticité écologique de ce dernier dans sa valeur agrégée (Barbier et al., 1990), ou au regard de chacune de ses composantes (Ekins et al., 2003). Elle propose de définir un capital naturel critique qui doit être conservé et transmis de génération en génération. Par conséquent, on ne peut se contenter de la valeur globale d’un portefeuille d’actifs, il faut aussi prendre en compte sa composition. La soutenabilité au sens fort impose donc d’aborder la question des interrelations entre les dimensions économique, environnementale et sociale dans un cadre élargi. Le critère privilégié ici serait celui de la résilience qui exige le maintien d’un certain niveau de diversité dans la dotation en capital. Ce critère renvoie à une propriété de la dynamique conjointe de l’économie et de l’environnement naturel dont la prévisibilité dépend du caractère résilient de l’ensemble (Perrings, 1998, 2006).

9Le concept de bien capital est central car il permet d’éclairer les notions d’efficacité et de résilience. Le capital évoque plusieurs réalités critiques pour notre analyse. D’une part, il est un stock qui témoigne à la fois de l’état d’un système, d’un patrimoine dont on hérite et d’une dotation qui peut se transmettre. D’autre part, il s’inscrit dans la durée, à l’image de celles nécessaires à sa constitution, sa rémunération et sa destruction. Toutefois, ces approches précédemment évoquées proposent une lecture instrumentale de la soutenabilité, réduite en l’expression d’un objet que l’on cherche à quantifier, gérer ou maîtriser.

10L’approche de la soutenabilité par l’objet reconnaît la pluralité des dimensions du développement. À chacune de ces dimensions, un objet y est associé : la performance économique, l’intégrité écologique ou l’équité sociale. Le critère de jugement est indissociable de l’objet choisi, les autres objets étant traités comme des contraintes à gérer. Dans le cadre de cette approche, le statut de la contrainte est donc fondamental, tout comme celui des moyens à mettre en œuvre pour la maîtriser ou la contourner. À cet égard, la soutenabilité est très souvent interprétée par référence à ce qui n’est pas soutenable, au regard des impacts négatifs du modèle économique courant. La dimension écologique est définie par les problèmes de pollution ou d’épuisement des ressources naturelles. La dimension sociale est évoquée par référence aux problèmes de pauvreté et/ou d’exclusion.

11Quant à la dimension économique, elle peut apparaître comme le moyen de gérer ces contraintes (Berckerman, 1974, 1994 ; Grossman et Krueger, 1995 ; Solow, 1999), ou à l’opposé comme la cause première de ces dernières (Meadows et al., 1972 ; Georgescu-Roegen, 1995 ; Latouche, 2006). Dans le premier cas, le mobile de la croissance économique constitue l’élément de solution à la non-soutenabilité. Par la croissance économique, les collectivités humaines peuvent dégager les moyens de financer des politiques de protection de l’environnement, des politiques de lutte contre la pauvreté ou/et l’exclusion. L’objet économique devient, de fait, l’objet premier par rapport aux deux autres. Dans le second cas, la croissance économique constitue, au contraire, l’élément d’explication de la non-soutenabilité. La dynamique d’enrichissement capitaliste dégrade de manière irréversible le support naturel sur lequel elle repose. Elle contribue, par ailleurs, à la pauvreté des pays en développement en exploitant leurs propres ressources et en y déversant ses rejets polluants.

  • 3  Godard (2015) rappelle les principaux critères rencontrés dans l’analyse économique du développeme (...)

12Dans le cadre de ces approches centrées sur l’objet, la conflictualité prend sens dans le fait de réduire la soutenabilité du développement à l’une des dimensions retenues, choisie comme finalité visée ; les autres dimensions revêtant le statut de contraintes. À cet égard, la littérature ayant trait à la « croissance soutenable » souligne que les problèmes environnementaux et de pauvreté ne peuvent se résoudre qu’avec davantage de croissance (Boisvert et Vivien, 2006). Prenant pour fondement le modèle de croissance optimale et la lecture utilitariste du bien-être, la soutenabilité y est généralement définie comme le besoin de conserver un objet à un niveau non décroissant au cours du temps (Martinet et Rotillon, 2007). Il peut s’agir de la consommation, de l’utilité ou de la capacité de produire du bien-être. L’exigence de soutenabilité impose alors de corriger le critère utilitariste d’allocation intertemporelle des ressources en tenant compte d’un critère d’équité3 (Godard, 2015). Dans ce cadre d’analyse, les dimensions sociale et environnementale apparaissent comme des contraintes, d’ordre moral pour la première, et technique pour la seconde, qui doivent être intégrées dans l’exercice de détermination des trajectoires optimales.

13L’approche par l’objet peut également être illustrée dans la littérature récente qui cherche à définir une « économie soutenable et désirable » (Costanza et al., 2013). Les réflexions portées par le courant de l’économie écologique proposent une lecture de la soutenabilité déclinée au sens fort. Partant du constat des limites du modèle de développement actuel, l’objet visé doit être tout à la fois soutenable et désirable, solidaire et écologique. La soutenabilité a pour vocation instrumentale de rappeler les limites écologiques à ne pas franchir. Elle apparaît en tant qu’objet parmi d’autres dans l’exercice de définition du nouveau modèle.

2. Une approche de la soutenabilité fondée sur la méthode

14La seconde approche du développement soutenable fondée sur la méthode, non l’objet, apparaît comme une démarche heuristique, sollicitant la soutenabilité comme une idée structurante qui permet d’orienter la recherche plutôt que d’en prédire le résultat (Passet, 1996 ; Norgaard, 1994, 2005 ; Nicolas et al., 2009). L’approche de la soutenabilité par la méthode n’examine pas chacun des objets pris isolément, mais leurs interactions. Le maître mot est bien ici l’articulation des dimensions entre elles. Quant à la conflictualité, elle se situe au-delà des seules dimensions et interroge les conditions de leur compatibilité, ainsi que la cohérence des temps qui leur sont associés. Dans cet ordre d’idées, l’approche par la méthode interroge l’exercice d’appréhension des problèmes et le protocole d’évaluation des actions. La soutenabilité ne saurait être un critère de jugement en soi. De surcroît, elle renvoie à d’autres critères que ceux communément utilisés à l’échelle des dimensions du développement.

15La notion d’opportunité prend ici une teneur particulière, qui associe dans un même cadre de réflexion l’efficacité et la résilience. L’efficacité est entendue comme la capacité à atteindre plusieurs objectifs, ce qui nécessite d’intégrer dans l’analyse les flux de matières, d’énergie et d’information. Les objectifs visés désignant généralement les trois dimensions du développement soutenable, il n’est pas nécessaire de les classer par ordre de priorité. La résilience a trait aux mécanismes de flexibilité qui permettent de répondre à la nouveauté, à la perturbation non anticipée. Exprimée autrement, elle désigne la capacité à durer dans le temps. Cette capacité est caractérisée par des trajectoires temporelles et témoigne de la manière dont un système résiste à une perturbation (Conway et Barbier, 1990 ; Hansen, 1996). Les capacités évoquées concernent des propriétés qui se manifestent à l’échelle d’un système. Résilience et efficacité ne sont pas nécessairement compatibles. Bien au contraire, la quête de l’efficacité peut éroder la résilience et inversement (Perrings, 1998). Un système ne saurait être à la fois parfaitement efficace et parfaitement résilient. Une mesure jugée efficace aujourd’hui au regard de l’objectif à atteindre peut ne plus l’être demain compte tenu de l’évolution du contexte et des connaissances dont on dispose (Schembri et Radja, 2015). L’approche de la soutenabilité par la méthode aborde alors les questions suivantes : comment choisir entre la production maximale et le risque minimum ? Comment concilier ces deux critères ? Quelle forme de cohérence envisager ? La soutenabilité y apparaît comme un processus à la fois situé dans l’espace et dans le temps, et indéterminé dans le sens où l’on ne saurait connaître à l’avance son point d’arrivée.

16C’est par référence à cette approche que nous souhaitons interroger la notion d’agriculture soutenable. Dans la littérature, plusieurs définitions ont été proposées (Altieri, 1995 ; Pretty, 2008 ; Conway, 1996, 2007 ; Douguet et Schembri, 2007). Les modèles présentés reposent sur l’idée que l’agriculture n’est pas seulement la cause de certaines dégradations environnementales. Elle en est aussi une victime, par la dégradation des actifs environnementaux sollicités pour la production agricole. Prenant appui sur cette causalité circulaire qui présente l’agriculture à la fois comme cause et conséquence de la dégradation environnementale, la soutenabilité révèle plusieurs vocations (Hansen, 1996). Tout d’abord, elle réside dans le maintien ou la croissance de la production tout en préservant ou augmentant le flux des biens et des services environnementaux. Il s’agit aussi de faciliter l’accès des paysans aux technologies qui permettent de concilier la productivité agricole et la qualité de l’environnement naturel (Sourisseau et al., 2010).

17Au regard de ces vocations, il s’agit alors de relever les principaux enjeux de soutenabilité qui transcendent les dimensions traditionnelles du développement soutenable.

  • Le premier enjeu a trait à la consommation (ou la satisfaction des besoins) par référence à l’exigence du rendement. Les niveaux de production devraient encore augmenter au regard de l’évolution attendue de la demande en produits alimentaires. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les volumes, mais aussi d’améliorer la qualité nutritive des aliments produits. Il s’agit également de faciliter l’accès de tous aux biens et technologies disponibles.

  • Le deuxième enjeu concerne l’investissement dans les actifs nécessaires à la pleine satisfaction des besoins. Cet engagement impose de valoriser les actifs naturels en plus des autres actifs communément mobilisés dans la production agricole. Cette particularité nécessite de modifier les modalités de gestion du portefeuille d’actifs, renvoyant à l’enjeu d’arbitrer entre consommer et investir. Dans ce contexte, les choix opérés aujourd’hui ont une incidence sur l’avenir.

  • Le troisième enjeu est celui de la transmission des actifs entre les générations. Cet enjeu soulève la question du caractère plus ou moins irréversible des dégradations environnementales, et celle du coût de la transmission des capitaux d’une génération à une autre ou entre différents groupes d’une même génération. Cette seconde question renvoie clairement à la notion de criticité que l’on associe aux diverses dotations en actifs et à la composition du portefeuille.

18Ces trois enjeux pris ensemble rendent lisible la conflictualité inhérente à la notion même de soutenabilité ; celle qui tend à opposer l’efficacité et la résilience. Cette conflictualité est abordée dans le cadre d’une modélisation de l’agriculture représentée comme un système. Ce dernier est caractérisé par des dotations en bien capital physique, humain, naturel et social qui témoignent de son état, et des forces jouant sur les dotations. Les interrelations, qui sont présentées dans une perspective intergénérationnelle, contribuent ainsi à identifier les différents canaux par lesquels les dotations en capital peuvent changer d’une génération à l’autre (figure 1).

Figure 1. Le modèle de transmission intergénérationnelle des actifs

Figure 1. Le modèle de transmission intergénérationnelle des actifs

Source : les auteurs.

19Dans le modèle, la production agricole sollicite les quatre grandes catégories de bien capital. On note que le capital humain désigne à la fois l’état de la population (nombre, santé), le niveau de qualification et la dotation en savoir technique. Le capital naturel est caractérisé par les stocks de ressources naturelles, les stocks de pollution et l’état des fonctions régulatrices et de croissance à l’origine des biens et services écosystémiques qui sous-tendent la productivité écologique. Le capital social témoigne de l’état des relations sociales dans le processus de production. Il renvoie aussi à la qualité des institutions qui président à la redistribution.

20Les trois enjeux de soutenabilité sont représentés dans le modèle au titre des principales forces en présence. Tout d’abord, la consommation en biens et services agricoles qui contribue au bien-être de la génération courante. Puis, l’investissement qui apparaît comme l’un des principaux canaux de transmission intergénérationnelle du capital physique, mais également des autres actifs. En effet, les diverses formes de dépenses qui contribuent à la dynamique de renouvellement de ces actifs sont interprétées comme des dépenses d’investissement. Il s’agit notamment des dépenses d’éducation, de santé pour le capital humain mais aussi celles de restauration, de protection et de conservation pour le capital naturel. Enfin, il s’agit des dépenses qui contribuent à renforcer la coopération, la participation et l’inclusion sociale pour le capital social. Elles permettent aussi de promouvoir l’équité sociale (en termes de genre et de statut). La transmission intergénérationnelle des actifs repose également sur d’autres dynamiques que celles uniquement associées à l’investissement. À ce titre, le capital humain dépend de la dynamique conjointe de la population et de la technologie. Le capital naturel évolue en fonction de la croissance naturelle des ressources, du rythme de renouvellement des écosystèmes et de la capacité d’assimilation des rejets. Ces diverses fonctions d’accumulation sont implicitement intégrées dans le modèle proposé (en traits discontinus dans la figure 1).

21Cette modélisation permet de représenter et d’interroger la soutenabilité des systèmes agricoles rencontrés dans le cadre des expériences indiennes.

L’expérience agricole indienne au regard de la soutenabilité

22La sécurité alimentaire en Inde est intimement liée au développement agricole. Elle constitue un défi auquel les décideurs politiques sont confrontés depuis l’Indépendance (1947). À partir de la fin des années 1960, le modèle de la révolution verte associant agriculture intensive et recherche génétique a constitué pendant deux décennies le cadre de référence en matière de politique agricole et de sécurité alimentaire. Depuis 2000, dans un contexte international institutionnel marqué par la prise en compte du changement climatique et du développement soutenable dans les stratégies de développement, les enjeux de soutenabilité constituent un défi majeur pour l’agriculture indienne et de manière plus globale pour le développement en Inde.

1. Évolution de l’agriculture indienne

23Des indicateurs montrent les gains de performance de l’agriculture indienne en termes de sécurité alimentaire depuis l’Indépendance : elle a ainsi atteint un statut lui permettant de maintenir l’autosuffisance céréalière. La production de céréales alimentaires est passée de 51 millions de tonnes en 1950-1951 à 250 millions de tonnes en 2011-2012 (Étienne, 2014), niveau le plus élevé depuis l’Indépendance. Au niveau du commerce international, l’Inde est parvenue à se hisser parmi les premiers producteurs agricoles dans le monde en mettant en œuvre une agriculture intensive : premier pour les légumineuses, le lait, le jute, la production de viande, deuxième pour les céréales (riz et blé), le coton, le sucre de canne, le thé (Ministry of Agriculture, 2014).

24La mise en perspective historique de l’évolution de l’agriculture indienne depuis l’Indépendance (Swaminathan, 2008) peut être décrite selon quatre phases, approchées sous l’angle des biens capitaux et des vulnérabilités propres au contexte indien (tableau 1).

Tableau 1. Phases d’évolution de l’agriculture indienne

Phases

Enjeux/Stratégies

Caractéristiques

1947-1964

– Construction et développement d’infrastructures dédiées à l’agriculture scientifique (usines d’engrais et pesticides chimiques, barrages hydrauliques, systèmes d’irrigation).

  • CAPITAL PHYSIQUE +

– Organisation du développement rural (réformes agraires, infrastructures).

– Développement de la formation et de la recherche en agronomie et agriculture (instituts de recherche, universités).

  • CAPITAL HUMAIN +

– La croissance de la production agricole ne peut satisfaire les besoins en termes de consommation (quantité) exprimés par la population en pleine croissance (transition démographique).

– Recours à l’importation de denrées alimentaires (dépendance vis-à-vis de l’extérieur).

1965-1985

Révolution verte portée par :

– Les infrastructures (mécanisation de l’irrigation), recherche, formation.

– Les avancées scientifiques et leur diffusion dans le domaine de la génétique.

• semences et variétés de céréales – riz et blé principalement – à haut potentiel de rendement ;

• quantités importantes d’intrants d’origine industrielle (engrais, produits de traitement des végétaux).

– Par la création d’institutions intermédiaires pour les agriculteurs, dédiées aux opportunités de marché, à la fixation du prix (rémunérateur) des biens, accès au crédit.

– Pour ne pas exclure les consommateurs à faibles revenus, mise en place d’un système de distribution publique PDS (Landy, 2011) pour les biens de base (blé, le riz, le sucre), basé sur le rationnement et un système de prix garantis (subventions, etc.).

  • CAPITAL PHYSIQUE ++

  • CAPITAL HUMAIN +

  • CAPITAL NATUREL –

– Forte croissance des rendements agricoles pour le blé et le riz (Landy, 2002, 2009 ; Étienne, 2014) :

• pour la première fois, le taux de croissance de la production de denrées alimentaires excède celui de la population (1980-1985) ;

• le taux de croissance de la production agricole excède le taux de croissance de l’économie (1980-1985).

– Autosuffisance céréalière ; agriculture d’exportation pour le riz et le blé à partir de 1977 (Landy, 2002, 2009).

1985-2000

– Une plus grande importance accordée à la production de cultures négligées pendant la révolution verte ; diversification : légumineuses, oléagineux, fruits, lait.

– Création de ‘Technology Missions’ avec l’intégration des enjeux : conservation, cultures, consommation, commerce.

– Intérêt accordé aux conditions agroécologiques associées aux zones de pluies et zones désertiques (projets, créations d’institutions).

  • CAPITAL NATUREL +

– Réformes post 91 :

Diminution notable des investissements publics portant le développement agricole : infrastructures, systèmes de crédit, technologies.

  • CAPITAL PHYSIQUE –

  • CAPITAL HUMAIN –

– Autosuffisance céréalière conjuguée à l’exclusion de 400 millions de personnes en termes d’accès.

– Impacts négatifs et discutables de la révolution verte (environnemental, socio-économique, géographique).

– Ralentissement de la productivité agricole (Landy, 2002 ; Étienne 2014).

2000-aujourd’hui

– Développement rural, investissement public.

• Renforcement des systèmes d’assurance et crédit (Swaminathan, 2008 ; Étienne, 2014) par la promotion du Financial Inclusion (Self Help Group, Banque FI), des innovations financières locales (Kalinga kisan gold et silver card en Orissa ; le Rythu Mitra Scheme en Andhra Pradesh) ;

• National Rural Employment Guarantee Act4 (NREGA, 2005-2008-2014) : emploi, revenu ;

• Food Guarantee Bill (2013) : accès et distribution de céréales (riz, blé, millet) aux catégories vulnérables.

  • CAPITAL HUMAIN, SOCIAL ++

  • PHYSIQUE +, ÉCONOMIQUE +

– Défi actuel : vers une forme d’agriculture plus soutenable (exemple de l’evergreen revolution).

  • VALORISATION DES ACTIFS : CAPITAL HUMAIN, PHYSIQUE, NATUREL, SOCIAL

– Déclin de la production et de la productivité agricoles (Landy, 2002, 2009 ; Étienne, 2014).

– Dégradation des conditions de vie des agriculteurs : surendettement, suicides (Reddy et al. 2008).

– Problème d’équité intragénérationnelle et intergénérationnelle en termes de sécurité alimentaire : disponibilité, accès, absorption.

– ‘Insécurité nutritionnelle’ Changement climatique : sécheresses, mousson aléatoire, pluies diluviennes (IFPRI, FAO).

– Croissance démographique.

  • 4  NREGA ou MGNREGA (Mahatma Gandhi National Rural Emloyment Guarantee Act). Cette loi a été opératio (...)

Source : les auteurs.4

25La première phase renvoie à la stratégie nationale de développement et d’industrialisation inscrite dans les premiers plans quinquennaux. Au lendemain de l’Indépendance, la sécurité alimentaire, dans un contexte de croissance démographique, demeure un des objectifs prioritaires par le développement conjoint des infrastructures (capital physique) et des connaissances scientifiques-compétences (capital humain), soutenant l’offre de denrées alimentaires.

  • 5  Pour plus de détails voir Shiva (1993a, 1993b), Dorin et Landy (2002).

26La deuxième phase est associée à la mise en œuvre du modèle de la révolution verte5 (figure 2) reposant sur une agriculture intensive à haut rendement, consommatrice de ressources naturelles ainsi que sur la diffusion des biotechnologies. Ce modèle d’agriculture se caractérise par une logique d’efficacité inscrite dans une approche organisationnelle top-down, selon laquelle les technologies et les pratiques vont s’imposer aux agriculteurs de manière différenciée (région, statut, taille des exploitations, etc.).

27Dans le cadre de la révolution verte, la performance réalisée est avant tout conditionnée par la valorisation du capital physique et des technologies (R&D). Cette dernière exige l’artificialisation et le forçage, par les engrais chimiques et l’irrigation, des milieux productifs, la spécialisation et la standardisation des produits. La quête de performance passe par la conversion de l’actif naturel en actif physique.

Figure 2. Le modèle de la révolution verte

Figure 2. Le modèle de la révolution verte

Source : les auteurs.

28La troisième phase, au milieu des années 1990, est associée à un essoufflement voire au déclin (quantitativement et qualitativement) de la performance agricole, des infrastructures, de l’effort technologique et du bien-être des agriculteurs (consommation, santé physique et mentale). Cette période de déclin résulte conjointement des limites associées aux pratiques agricoles de la révolution verte et des politiques économiques des années 1990, menées dans le cadre des réformes de libéralisation de l’économie indienne.

29La dernière phase, à partir des années 2004-2005, correspond spécifiquement à la prise de conscience et à l’intégration explicite (lois NREGA, 2005 ; FGB, 2013) des enjeux humains et sociaux en matière de développement rural, afin de favoriser l’accès aux ressources, de satisfaire les besoins et de générer des revenus pour les ménages agricoles et les catégories les plus vulnérables et les plus exclues.

2. Transition vers un modèle d’agriculture soutenable

  • 6  Force est de constater la baisse de la contribution de l’agriculture (hors activités de pêche et d (...)
  • 7  En 1951 (83 %), en 1971 (80 %), en 1991 (75 %) ; en comparaison, la population rurale en Chine occ (...)

30À l’heure actuelle, bien que l’agriculture indienne (hors activités de pêche et de foresterie) contribue seulement à hauteur de 12 % du PIB (Ministry of Agriculture, 2014)6, ce secteur demeure un enjeu majeur en termes de développement. Dans un contexte de croissance démographique, l’agriculture en tant que source de revenus et de denrées alimentaires joue un rôle vital dans l’économie indienne. Plus de 69 % des ménages ruraux (700 millions d’individus) dépendent de l’agriculture en termes d’emplois, de revenus et d’activités de consommation ou d’investissement (Census of India, 2011), même si ce taux tend à diminuer depuis l’Indépendance7. Ce secteur fournit des emplois à plus de 50 % de la population, la majeure partie (55 %) étant occupée par les travailleurs journaliers (Census of India, 2011). Le secteur de l’agriculture demeure vulnérable en raison de nombreux facteurs : les conditions climatiques, la fragmentation des exploitations et leur petite taille, la productivité déclinante des sols, le niveau faible de mécanisation, l’accès au crédit limité, etc. Swaminathan (2015) souligne que même si l’objectif de sécurité alimentaire en termes de disponibilité des denrées alimentaires demeure atteint à l’échelle nationale, il en est autrement à l’échelle micro en termes de disponibilité et d’accès (pouvoir d’achat) à l’alimentation.

31Au problème d’insécurité alimentaire, il faut ajouter le problème d’insécurité nutritionnelle. Les secteurs des oléagineux et des légumineuses n’ayant pas bénéficié de la révolution verte ont conduit à des résultats médiocres en termes de rendements (Étienne, 2005), avec une stagnation sur la période 1950-2005 (de 400-500 kg/ha en 1950 à 550-600 kg/ha seulement en 2005). L’Inde est ainsi devenue un importateur important de légumineuses, ce qui n’a pas enrayé une hausse durable des prix. Les choix adoptés en termes de cultures agricoles, dans un contexte de hausse des prix, ont conduit les ménages ruraux à faibles revenus à modifier leurs habitudes alimentaires en délaissant les lentilles (aliment essentiel à haute teneur protéinique). Le changement de régime alimentaire a aggravé les déficiences nutritionnelles en sels minéraux et en vitamines (zinc, fer, iode, vitamine A), entraînant des maladies (infections, anémie, cécité, etc.) et des retards physiques et mentaux chez les enfants et les adultes. Même si la sécurité alimentaire a été garantie en termes de quantités, une forme de malnutrition sévère se répand largement (Shiva, 1996 ; Indian Ministry of Women and Child Development – Unicef, 2014 ; IFPRI, 2014) entraînant des coûts humains et sociaux importants.

32Au cours de l’année 2015, le gouvernement de M. Modi a intégré le secteur de l’agriculture en tant que pilier pour le développement et appelle à une « seconde révolution verte ». Il s’agirait d’inverser la tendance observée depuis la fin des années 1990, par une augmentation notable de la productivité agricole, notamment celle des petites exploitations tout en augmentant le revenu et en améliorant les conditions de vie des petits agriculteurs, résumé dans un slogan « moins de terre, moins de temps, plus de productivité ». Les régions les moins développées (telles que le Bihar) devraient également bénéficier de cette « révolution ». Le contenu de cette révolution à vocation inclusive a été précisé dans le budget 2014-2015 selon différents axes. Premièrement, il s’agit de renforcer le système institutionnel de financement et de crédit dans les zones rurales afin de promouvoir l’accès aux biens capitaux. Deuxièmement, le système logistique concernant les denrées alimentaires doit être mieux organisé afin d’éviter les gaspillages par le développement d’infrastructures modernes (chaîne du froid, réfrigération) pour stocker les denrées dans les meilleures conditions (fraîcheur et durée de vie). Troisièmement, il s’agit de créer des dispositifs institutionnels et techniques (mécanisme de stabilisation du prix, qualité) afin d’améliorer la compétitivité et la profitabilité de la production. Enfin, cette seconde révolution verte doit reposer sur l’accès, la diffusion et l’usage de technologies telles que les biotechnologies et les technologies d’information et de communication parmi les agriculteurs. Ce modèle devrait reposer sur l’implication de différentes parties prenantes associant le secteur privé (agrotechnologie, agroalimentaire, réseaux-télécommunications, etc.), les instituts de recherche et les institutions publiques.

33Ces orientations politiques récentes ont conduit Swaminathan (2015) à rappeler l’importance d’évaluer les impacts à différentes temporalités de ces politiques, notamment les coûts environnementaux et socio-économiques directs et indirects qui y sont associés. En termes de soutenabilité, la configuration agricole indienne actuelle demeure spécifique car la prise en compte du changement climatique dans la stratégie de développement conduit à intégrer conjointement plusieurs échelles (nationale, régionale, locale, micro) et enjeux (agriculture à rendements élevés, croissance démographique, développement inclusif, sécurités alimentaire et nutritionnelle, équités intragénérationnelle et intergénérationnelle, viabilité écologique, énergie) dans un contexte de temporalité longue, d’incertitudes et d’irréversibilités. Dans le débat actuel sur la stratégie agricole pour le futur, la voie de la révolution toujours verte, l’evergreen revolution (Swaminathan, 1999 ; Swaminathan et Kesavan, 2015) pourrait alors constituer un modèle permettant d’orienter l’agriculture indienne vers une agriculture soutenable.

34Ce modèle d’agriculture (figure 3) est une forme revisitée de la révolution doublement verte proposée dans les années 1990 (Conway, 1996). Son contenu est résumé par les cinq « E » : Écologie, Économie, Équité, Emploi, Énergie. Outre sa dimension intergénérationnelle (transmission), ce modèle d’agriculture soutenable se distingue des autres formes d’agriculture soutenable, par sa vocation inclusive. En effet, la demande socio-économique, notamment les besoins exprimés par les plus pauvres et les catégories vulnérables (genre et statut), le renforcement des capabilités, l’empowerment, constituent le cœur du modèle. Il s’agit d’intensifier l’usage des ressources locales par la diversification des systèmes de production tout en minimisant les risques éco-environnementaux et sanitaires. Outre la satisfaction d’une demande de marché, il s’agit également d’accroître et d’améliorer la demande alimentaire exprimée par les ménages (niveau micro). L’agriculteur producteur-consommateur doit à la fois générer un revenu issu des activités agricoles et non agricoles (revenu principal et revenus complémentaires) et reproduire un capital, évoqué ici dans un sens plus large qui intègre les autres capitaux. L’accent est mis sur la capacité intégrative à l’échelle individuelle et collective des différentes formes d’actifs physiques, naturels, humains et sociaux. Cette capacité est particulièrement pertinente dans l’exercice de valorisation du capital naturel par la prise en considération du capital humain (éducation, développement des compétences, santé, suivi nutritionnel, promotion du genre), du capital social au travers de l’appartenance à des réseaux, des associations, des attributs et valeurs partagées, la confiance et du capital physique.

Figure 3. Le modèle de l’evergreen revolution

Figure 3. Le modèle de l’evergreen revolution

Source : les auteurs.

35Dans l’evergreen, l’approche systémique de la production agricole revient à traiter l’ensemble les questions d’efficacité et de résilience à l’échelle de l’écosystème et de l’agrosystème. Il en résulte l’exigence d’un système de management intégré des ressources naturelles et de l’agriculture (Kesavan et Malarvannan, 2010), lequel permet de combiner des technologies dites « naturelles » (écotechnologies), issues des fonctionnalités écologiques des écosystèmes (exemple des engrais organiques, des biopesticides tels que les feuilles de neem) et des technologies « artificielles » (biotechnologies). Les gains de productivité doivent alors être puisés dans les écosystèmes, au regard de leurs potentialités (Griffon, 2006 ; Griffon, 2013 ; Horlings et Marsden, 2011).

36C’est par la valorisation intertemporelle des différents biens capitaux que la performance d’ensemble pourrait être améliorée, notamment grâce aux interfaces technologiques (technologies de l’information et de la communication, e-services, plateforme technologique de type village knowledge center), au capital social (relations sociales, confiance, entraide, coopératives, systèmes d’assurance, crédit, confiance, Self Help Group, microentreprises, etc.) et aux dispositifs institutionnels d’accompagnement.

37Le rôle de l’agriculteur local deviendrait tout aussi important que celui du chercheur ou des autres parties prenantes dans la transmission des connaissances et des compétences, l’élaboration de nouvelles formes d’agriculture et de pratiques agricoles (à la fois moins coûteuses et plus respectueuses de l’environnement naturel) mais aussi dans les modalités d’actions (atténuation, prévention) face au changement climatique. L’accès à l’information constitue un enjeu majeur pour préserver la résilience du système. Cela étant, des processus de médiation des connaissances devraient être au préalable mis en place de manière à rendre intelligible l’information pour les différentes catégories d’acteurs concernés ; la question de la médiation des connaissances étant indissociable de celle de la participation des acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des différentes formes d’agriculture.

38Plusieurs programmes issus du modèle Evergreen sont mis en œuvre dans le cadre de la MSSRF (M.S. Swaminathan Research Foundation), dont les fonds proviennent du Gouvernement indien, et pour une grande partie des organisations internationales. À ce titre, le programme « éco-technologie et développement soutenable » (the bio-village project) initié en 1992 à Pondichéry dans 12 villages (Druesne, 1998 ; Swindell, 2006) a été généralisé à 600 000 villages répartis dans plusieurs États (Tamil Nadu, Punjab, Madhya Pradesh, Orissa, etc.) en 2007 (Swindell, 2006 ; United Nations, 2007) sous l’impulsion du ministère du Développement rural. Ce programme a été mis en œuvre avec l’implication de diverses parties prenantes telles que les universités, les centres de recherche, les administrations, les institutions du Panchayat Raj (institutions de gouvernance locale), les organisations non gouvernementales, les banques, le secteur privé, les associations représentant la société civile.

Conclusion

39L’expérience de l’agriculture indienne est associée à des mutations affectant les systèmes écologiques, économiques et sociaux. Dans ce contexte, le concept de soutenabilité revêt une pertinence certaine pour éclairer les principaux enjeux de ces mutations. L’analyse qui est proposée repose sur une approche originale de la soutenabilité fondée sur la méthode. L’exercice d’évaluation des différents modèles d’agriculture indienne apparaît alors davantage comme une démarche heuristique visant à interroger la notion de performance. À ce titre, les modèles de la révolution verte et de l’evergreen renvoient à deux conceptions différentes de la performance. Pour le premier, il s’agit d’une performance unidimensionnelle centrée sur la productivité. Pour le second, la performance est approchée de manière plurielle et élargie qui tend à associer efficacité et résilience. Dans cette perspective, l’approche de la soutenabilité fondée sur la méthode permet la lisibilité des enjeux associés à l’évaluation des modèles et politiques agricoles. L’élaboration et la mise en œuvre de modèles d’agriculture soutenable doivent ainsi articuler les modes traditionnels et les transformations actuelles et futures dans le cadre d’une société apprenante (développement des capacités, innovations sociales).

Haut de page

Bibliographie

Altieri M. A. (1995). Agroecology: the science of sustainable agriculture. Boulder CO, Westview Press.

Arrow K., Dasgupta P., Mäler K.-G. (2003). Evaluating Projects and Assessing Sustainable Development in Imperfect Economies. Environmental & Resource Economics, n° 4, pp. 647-685.

Arrow K., Dasgupta P., Goulder L. H., Munford K. J., Oleson K. (2012). Sustainability and the Measurement of Wealth. Environment and Development Economics, n° 17, pp. 317-353.

Banque mondiale. (2014). Rapport sur le développement dans le monde 2014 : risques et opportunités : la gestion des risques à l’appui du développement. Washington DC.

Barbier E., Pearce D., Markandya A. (1990). Environmental Sustainability and Cost Benefit Analysis. Environment and Planning, vol. 22, n° 9, pp. 1259-1266.

Beckerman W. (1974). In defense of Economic growth. London, Jonathan Cape.

Beckerman W. (1994). “Sustainable Development”: Is It a Useful Concept? Environmental Values, vol. 3, n° 3, pp. 191-209.

Binder C., Feola G., Steinberger J. (2010). Considering the Normative, Systemic and Procedural Dimensions in Indicator-based Sustainability Assessments in Agriculture. Environmental Impact Assessment Review, vol. 30, n° 2, pp. 71-81.

Boisvert V., Vivien F.-D. (2006). Le développement soutenable : une histoire de controverses économiques. In C. Aubertin, F.-D. Vivien (dir.), Le développement soutenable : enjeux politiques, économiques et sociaux (pp. 15-33). Paris, La Documentation française.

Census of India. (2011). Census Report of India. Government of India. www.censusindia.gov.in/2011.

Conway G. R., Barbier E. (1990). After the Green Revolution. Sustainable Agriculture for Development. London, Earthscan.

Conway G. R. (1996). La révolution doublement verte: introduction à un concept. In M. Griffon (dir.), Vers une révolution doublement verte, Montpellier, Cirad, pp. 66-75.

Conway G. R. (2007). A doubly Green Revolution: Ecology and Food Production. In G. R. Conway (dir.), Theoretical Ecology Principles and Applications, Oxford, Oxford University Press, pp. 158-171.

Commission mondiale pour l’environnement et le développement (Cmed) (1987). Notre avenir à tous. New York, Oxford University Press (2e éd., Québec, Éditions du Fleuve, 1988).

Costanza R., Alperovitz G., Daly H. E., Farley J., Franco C., Jackson T, Kubiszewski I., Schor J., Victor P. (2013). Vivement 2050 – Programme pour une économie soutenable et désirable. Édition Les Petits matins.

Daly H. E. (1992). Steady State Economics. Second Edition with New Essays. London, Earthscan.

Dasgupta P., Mäler K.-G. (2000). Net National Product, Wealth, and Social Well-Being. Environment and Development Economics, vol. 5, n° 1, pp. 69-93.

Dorin B., Landy F. (2002). Agriculture et alimentation de l’Inde, les vertes années. Paris, INRA.

Douguet J.-M., Schembri P. (2007). Sustainable Agriculture and Water Quality Control: A Structural Approach. International Journal of Sustainable Development, vol. 9, n° 2, pp. 246-276.

Drèze J., Sen A. (2013). An Uncertain Glory. India and its Contradictions. London, Penguin Books Ltd.

Druesne N. (1998). Révolution doublement verte: les biovillages à Pondichéry. Document de travail, CIRAD-AMIS.

Ekins P., Folke C., De Groot R. (2003). Identifying Critical Natural Capital. Ecological Economics, n° 44, pp. 159-163.

Étienne G. (2005). Agriculture et économie rurale en Inde – Début de réveil. Revue Tiers-Monde, n° 183, pp. 539-552.

Étienne G. (2014). L’agriculture et le monde rural. In Ch. Jaffrelot (dir.), L’Inde contemporaine. Paris, Pluriel-Fayard.

Fisher I. (1906). The Nature of Capital and Income. Cosimo Publication (2007).

FGB. (2013). Food Guarantee Bill – National Food Security Act, India Ministry of Law and Justice, http://indiacode.nic.in/acts-in-pdf/202013.pdf.

Georgescu-Roegen N. (1995). La décroissance : entropie-écologie-économie. Paris, Ellébore/Sang de la terre.

Godard O. (2015). Environnement et développement soutenable. Bruxelles, De Boeck.

Griffon M. (1996). Vers une révolution doublement verte. Montpellier, Cirad.

Griffon M. (2006). Nourrir la planète. Paris, Odile Jacob.

Griffon M. (2013). Qu’est-ce que l’agriculture écologiquement intensive ? Versailles, Quae.

Grossman G. M., Krueger A. B. (1995). Economic Growth and the Environment. The Quarterly Journal of Economics, n° 2, pp. 353-377.

Hamilton K., Clemens M. (1999). Genuine Savings Rate in Developing Countries. World Bank Economic Review, vol. 13, n° 2, pp. 333-356.

Hansen J. W. (1996). Is Agricultural Sustainability a Useful Concept? Agricultural Systems, n° 50, pp. 117-143.

Hartwick J. M. (1977). Intergenerational Equity and the Investing of Rents from Exhaustible Resources. The American Economic Review, vol. 67, n° 5, pp. 972-974.

Horlings L. G., Marsden T. K. (2011). Towards the Real Green Revolution? Exploring the Conceptual Dimensions of a New Modernisation of Agriculture that Could ‘Feed the World’. Global Environmental Change, vol. 21, n° 2, pp. 441-452.

IFPRI (2014). Global Hunger Index: the Challenge of Hidden Hunger. Washington DC.

Indian Ministry of Women and Child Development, and UNICEF, India (2014). Rapid Survey on Children (2013-2014).

Kesavan P. C., Malarvannan S. (2010). Green to Evergreen Revolution: Ecological and Evolutionary Perspectives in Pest Management. Current Science, vol. 99, n° 7, pp. 908-914.

Khera R. (2011). The Battle for Employment Guarantee. New Delhi, Oxford University Press.

Landy F. (2002). L’Union indienne. Paris, Éditions du Temps.

Landy F. (2009). Feeding India. The Spatial Parameters of Food Grains Policies. New Delhi, Manohar-CSH.

Landy F. (2011). Représentation du territoire national et circulation des grains : le système de distribution publique indienne. Annales de géographie, n° 677, pp. 26-49.

Latouche S. (2006). Le pari de la décroissance. Paris, Fayard.

Lopez R., Toman M. (2006). Sustainable Development: Towards a Broader Policy Agenda. In R. Lopez, M. Toman (dir.), Economic Development & Environmental Sustainability. Oxford-New York, Oxford University Press.

Martinet V., Rotillon G. (2007). Invariance in Growth Theory and Sustainable Development. Journal of Economic Dynamics and Control, vol. 31, n° 8, pp. 2827-2846.

Mc Neely J. A., Scherr S. J. (2003). Ecoagriculture: Strategies for Feeding the World and Conserving Wild Biodiversity. Washington DC, Island Press.

Meadows D. H., Meadows D., Randers J. (1972). The Limits to Growth. New York, Universe Book.

Ministry of Agriculture-Government of India (2014). Agriculture Statistics at a Glance 2013 Pocket Book on Agricultural Statistics. Department of Agriculture and Cooperation, Directorate of Economics and Statistics, New Delhi, India.

NREGA. (2005). National Rural Employment Guarantee Act, India Ministry of Law and Justice, http://nrega.nic.in/rajaswa.pdf.

Nicolas A., Radja K., Schembri P. (2009). Quelles formations pour un développement soutenable dans les pays en développement ? Mondes en développement, vol. 147, n° 3, pp. 29-44.

Norgaard R. B. (1994). Development Betrayed: the End of Progress and a Coevolutionary Revisioning of the Future. London-New York, Routledge.

Norgaard R. B. (2005). Bubbles in a Back Eddy: a Commentary on the Origin, Diagnostic Attributes and Practical Application of Coevolutionary Theory. Ecological Economics, n° 54, pp. 362-365.

Paillotin G. (2000). L’agriculture raisonnée. Paris, Ministère de l’Agriculture et de la Pêche.

Passet R. (1996). L’économique et le vivant. Paris, Economica (2e édition).

Pearce D., Barbier E. (2000). Blueprint for a Sustainable Economy. London, Earthscan.

Perrings C. (1998). Resilience in the Dynamics of Economy-Environment Systems. Environmental and Resource Economics, vol. 11, n° 3-4, pp. 503-520.

Perrings C. (2006). Resilience and Sustainable Development. Environment and Development Economics, vol. 11, n° 4, pp. 417-427.

Pretty J. (2008). Agricultural Sustainability: Concepts, Principles and Evidence. Philosophical Transactions, n° 363, pp. 447-465.

Reddy D., Mishra S. (2008). Crisis in Agiculture and Rural Distress in Post-Reform India. In R. Radhakrishna (dir.), India Development Report 2008. New Delhi, Oxford University Press.

Schembri P., Radja K. (2015). Green Growth and Sustainability: New Challenges for an Economics of Quality. International Journal of Sustainable Development, Special Edition, vol. 18, n° 1-2, pp. 1-8.

Shiva V. (1993a). Monocultures of the Mind: Biodiversity, Biotechnology and Agriculture. London, Zed Press.

Shiva V. (1993b). The Violence of the Green Revolution: Ecological Degradation and Political Conflict in Punjab. London, Zed Press.

Shiva V. (1996). Éthique et agro-industrie. Main basse sur la vie. Paris, L’Harmattan.

Sourisseau J.-M., Pestana G., Géronimi V., Schembri P. (2010). Politiques publiques et développement soutenable dans le monde rural calédonien. Économie rurale, n° 320, pp. 9-23.

Solow R. (1986). On the Intertemporal Allocation of Natural Resources. Scandinavian Journal of Economics, n° 88, pp. 141-149.

Solow R. (1999). An Almost Practical Step toward Sustainability. In W. E. Oates (dir.), The RFF Reader in Environmental and Resource Management. Resources for the Future.

Swaminathan M. S. (1999). I Predict: A Century of Hope Towards an Era of Harmony with Nature and Freedom from Hunger. East West Books (Madras) Pvt. Ltd.

Swaminathan M. S. (2008). Beyond the Green Revolution. Delhi, India Seminar.

Swaminathan M. S. (2015). Combating Hunger and Achieving Food Security. Delhi, Cambridge University Press.

Swaminathan M. S., Kesavan P. C. (2015). The Transition from Green to Evergreen Revolution. EC Agriculture, 2.1, pp. 271-276.

Swindell J. (2006). The Information Villages of Pondicherry: a Case Study in Capacity Building for Sustainable Development. In W. Leal (dir.), Innovation, Education and Communication for Sustainable Development, Frankfurt, Peter Lang.

United Nations (2007). Building e-Community Centres for Rural Development. New Delhi, Academic Foundation.

UNU-IHDP & UNEP (2012). Inclusive Wealth Report 2012: Measuring Progress toward Sustainability, Cambridge, Cambridge University Press.

Haut de page

Notes

1  La réflexion autour des notions de richesse et de soutenabilité fait écho aux travaux récents réalisés dans le cadre du programme des Nations Unies pour l’environnement, qui visent la définition et la mesure de la richesse dite inclusive (Arrow et al., 2012 ; UNU-IHDP et UNEP, 2012).

2  Les économistes de l’environnement résument ce critère sous l’expression d’une règle de décision, qualifiée de règle de Hartwick par référence à l’économiste qui la formalisa dans le cadre d’une publication dans l’American Economic Review en 1977.

3  Godard (2015) rappelle les principaux critères rencontrés dans l’analyse économique du développement soutenable : le critère de Ramsey, dit standard, de von Weizsäcker, de Rawls, de la règle d’or verte et de Chichilnisky. Il souligne que l’exigence de soutenabilité implique l’absence d’un pouvoir d’une génération, présente ou future, sur les autres générations.

4  NREGA ou MGNREGA (Mahatma Gandhi National Rural Emloyment Guarantee Act). Cette loi a été opérationnelle en 2006 (200 districts) puis généralisée à l’ensemble de tous les districts en Inde en 2008. Depuis 2014, cette loi a fait l’objet de nouveaux amendements. Drèze et Sen (2013) et Khera (2011) développent de manière plus détaillée les impacts et les limites de la NREGA.

5  Pour plus de détails voir Shiva (1993a, 1993b), Dorin et Landy (2002).

6  Force est de constater la baisse de la contribution de l’agriculture (hors activités de pêche et de foresterie) au PIB depuis l’Indépendance (1947) : 1960-61 (43 %) en 1970-71 (42 %), en 1980-81 (35 %), en 1990-91 (29 %), en 2000 (23 %).

7  En 1951 (83 %), en 1971 (80 %), en 1991 (75 %) ; en comparaison, la population rurale en Chine occupe 46 % de la population totale (rapport de la Banque mondiale, 2014).

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Le modèle de transmission intergénérationnelle des actifs
Crédits Source : les auteurs.
URL http://journals.openedition.org/economierurale/docannexe/image/4857/img-1.png
Fichier image/png, 322k
Titre Figure 2. Le modèle de la révolution verte
Crédits Source : les auteurs.
URL http://journals.openedition.org/economierurale/docannexe/image/4857/img-2.png
Fichier image/png, 270k
Titre Figure 3. Le modèle de l’evergreen revolution
Crédits Source : les auteurs.
URL http://journals.openedition.org/economierurale/docannexe/image/4857/img-3.png
Fichier image/png, 368k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Katia Radja, Patrick Schembri et Damien Bazin, « Quels enjeux de soutenabilité pour l’agriculture indienne ? »Économie rurale, 352 | 2016, 23-39.

Référence électronique

Katia Radja, Patrick Schembri et Damien Bazin, « Quels enjeux de soutenabilité pour l’agriculture indienne ? »Économie rurale [En ligne], 352 | mars-avril 2016, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/4857 ; DOI : https://doi.org/10.4000/economierurale.4857

Haut de page

Auteurs

Katia Radja

Laboratoire CEARC (Cultures, Environnements, Arctique, Représentations, Climat), Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) ; Université Paris Saclay ; katia.radja@uvsq.fr

Articles du même auteur

Patrick Schembri

Laboratoire CEARC (Cultures, Environnements, Arctique, Représentations, Climat), Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) ; Université Paris Saclay ; patrick.schembri@uvsq.fr

Articles du même auteur

Damien Bazin

Université de Nice Sophia Antipolis (UNS), UFR Institut Supérieur d’Économie et Management (ISEM). Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Groupe de Recherche en Droit, Économie et Gestion (GREDEG/ESIA) UMR 7321 UNS-CNRS ; damien.bazin@gredeg.cnrs.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search